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L’EPR de Flamanville : une odyssée nucléaire aux enjeux colossaux

Lancé en 2007, l’EPR de Flamanville est le fleuron de la nouvelle génération de réacteurs nucléaires français, combinant haute puissance et sécurité renforcée. Initialement prévu pour 2012, ce projet a connu une série de retards majeurs, de problèmes techniques et une explosion des coûts, aujourd’hui estimés à plus de 13 milliards d’euros. Pourtant, l’EPR reste crucial pour l’avenir énergétique de la France. Alors que la mise en service est désormais lancée depuis septembre 2024, les enjeux pour EDF et le marché de l’électricité sont immenses. Retour sur l’histoire mouvementée de ce chantier stratégique pour la transition énergétique.

Comment fonctionne l’EPR de Flamanville ?

L’EPR (European Pressurized Reactor) est un réacteur nucléaire de troisième génération conçu pour améliorer la sécurité et l’efficacité des centrales nucléaires. Développé par Areva (désormais Framatome) et EDF, il possède une puissance brute de 1 650 MW, il a pour objectif de produire environ 13 TWh d’électricité par an, soit l’équivalent de la consommation d’environ 1,5 million de Français. Comparé aux réacteurs plus anciens, l’EPR bénéficie de dispositifs de sûreté renforcés, incluant une meilleure résistance aux accidents graves.

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Quels sont les différences entre un EPR et les réacteurs nucléaires de deuxième génération ?

La différence entre un réacteur nucléaire EPR (European Pressurized Reactor) et un réacteur de deuxième génération repose principalement sur les avancées technologiques, notamment en matière de sûreté, d’efficacité et de gestion des déchets. Ainsi, l’EPR a une puissance électrique nette d’environ 1 650 MW, ce qui est supérieur à celle des réacteurs de deuxième génération, qui varient généralement entre 880 et 1 500 MW en France. En termes de rendement, l’EPR atteint 37,9 %, tandis que les réacteurs de deuxième génération affichent un rendement d’environ 33 %.

L’EPR consomme moins d’uranium que les autres génération de réacteur

L’EPR de Flamanville se montre également plus efficace en matière de consommation de combustible, utilisant entre 7 et 15 % d’uranium en moins par kilowattheure produit. De plus, il génère environ 10 % de déchets à vie longue en moins par kilowattheure, ce qui représente un avantage significatif pour la gestion des déchets nucléaires.

L’EPR a une meilleure longévité et capacité d’évolution technique

Les réacteurs de deuxième génération, développés dans les années 1970 et 1980, forment la majorité des réacteurs en service aujourd’hui. Ces réacteurs utilisent soit de l’eau pressurisée, soit de l’eau bouillante. Ils offrent une sûreté de base, nécessitant une surveillance constante pour éviter tout accident. Les ingénieurs conçoivent ces réacteurs pour une durée de vie initiale de 30 à 40 ans, et certaines mises à niveau peuvent prolonger leur fonctionnement jusqu’à 60 ans.
De son côté, l’EPR de Flamanville est conçu pour une durée de vie minimale de 60 ans. Le réacteur intègre dès sa création la possibilité de faire des mises à jour technologiques au fil du temps et ainsi prolongé sa durée de vie initiale.  De plus, l’EPR offre une flexibilité dans l’utilisation du combustible. Il peut fonctionner avec jusqu’à 100 % de combustible MOX recyclé. Ce qui l’avantage aussi pour utiliser les nouveaux combustibles qui pourraient être produit dans le future.
Principe fonctionnement centrale nucléaire

L’EPR permet d’avoir des centrales nucléaires plus sûres

La troisième génération de réacteur nucléaire représente une avancée majeure en termes de sûreté. En effet, l’EPR est conçu pour mieux résister aux accidents graves grâce à des systèmes de sécurité redondants, tels que des barrières de protection multiples et un système de récupération du corium en cas de fusion du cœur. Il dispose aussi de quatre trains de sauvegarde indépendants et d’une double enceinte de confinement en béton d’une épaisseur de 2,6 mètres. Ces caractéristiques visent à améliorer la protection contre les incidents des agressions externes telles que les chutes d’avions et les séismes.

L’histoire du projet de l’EPR de Flamanville

L’histoire de l’EPR de Flamanville est jalonnée de retards, de défis techniques, et d’enjeux stratégiques pour l’avenir énergétique de la France. Voici un récapitulatif des grandes dates marquant ce chantier emblématique.

1992-2005 : Les débuts du concept EPR

  • 1992 : Le projet de l’EPR (European Pressurized Reactor) prend forme au sein d’une collaboration franco-allemande entre Framatome (France) et Siemens (Allemagne). L’objectif est de concevoir un réacteur de troisième génération, plus sûr et plus performant.
  • 2005 : Après des années de développement, le premier EPR français est autorisé à être construit à Flamanville, dans la Manche, avec une mise en service initialement prévue pour 2012.

2007 : Début des travaux

  • Décembre 2007 : EDF lance officiellement la construction du réacteur EPR de Flamanville. Le chantier commence avec un budget initial de 3,3 milliards d’euros. L’objectif est de produire une électricité décarbonée pour le réseau national grâce à ce réacteur de pointe.

2010 : Premiers retards et difficultés

Les premiers retards importants se manifestent à cause de difficultés liées aux travaux de bétonnage et à la construction de la dalle du bâtiment réacteur. Le calendrier commence déjà à s’allonger.

2011 : L’impact de Fukushima

  • Mars 2011 : La catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon impose une réévaluation des normes de sécurité nucléaire partout dans le monde, y compris en France. Cela conduit à des modifications importantes dans la conception de l’EPR, retardant ainsi davantage les travaux.

Fukushima nuclear power plant Source : Earthquake and Tsunami damage-Dai Ichi Power Plant, Japan

2014 : Découverte d’anomalies sur la cuve

Un coup dur pour le projet lorsque l’on découvre des anomalies sur la cuve du réacteur, un composant essentiel. Cela entraîne des contrôles supplémentaires et des discussions avec l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), retardant encore le chantier.

2015 : Les retards s’accumulent

  • Septembre 2015 : En raison des difficultés rencontrées, EDF repousse la mise en service à 2018. Ils revoient les coûts à la hausse, atteignant près de 10 milliards d’euros.

2018 : Problèmes de soudures

Alors que la mise en service semble proche, Les techniciens détectent de nouvelles anomalies. Ils doivent réparer des soudures non conformes sur le circuit secondaire. Ces réparations nécessitent un travail lourd et provoquent un nouveau report de la date de mise en service.

En parallèle, un plan de sauvetage est mis en place avec la reprise par EDF de la branche réacteurs nucléaires d’Areva. Cette décision vient après les nombreux déboires de l’EPR finlandais conçu par TVO et Areva. Ces derniers s’accusent mutuellement d’être responsable des retards et surcoûts de ce réacteur.

2020-2023 : Coûts explosés et nouveaux retards

  • 2020 : EDF annonce que la mise en service ne pourra pas avoir lieu avant fin 2022 à cause des réparations toujours en cours sur les soudures défectueuses.
  • 2022 : EDF a revu son calendrier et fixé la mise en service à 2024, avec un budget global qui dépasse désormais 13 milliards d’euros, soit presque quatre fois le coût initialement prévu.
  • 2023 : Les équipes ont effectué des tests complémentaires et obtenu des validations réglementaires, mais elles maintiennent l’objectif de mise en service pour fin 2024 malgré les incertitudes.

2024 : Première divergence et connexion au réseau

Après un retard de 12 ans, l’Autorité de sûreté nucléaire autorise la mise en service de l’EPR de Flamanville le 7 mai 2024. Le 15 mai, EDF finalise le chargement du combustible nucléaire. La première réaction en chaîne, appelée « divergence », démarre début septembre 2024.

Les défis et retards de l’EPR

Plusieurs facteurs ont contribué aux retards successifs :

  • Problèmes de construction et de sécurité : Les exigences de sûreté nucléaire après l’accident de Fukushima ont entraîné des modifications dans la conception.
  • Soudures défectueuses : En 2018, les ingénieurs ont découvert des défauts dans les soudures du circuit secondaire principal, ce qui a provoqué de nouveaux retards.
  • Complexité technique : Le projet EPR, avec ses technologies avancées, a nécessité que les équipes apportent des ajustements techniques imprévus tout au long du chantier.

Coût et impact sur le marché de l’électricité

Le budget initial de 3,3 milliards d’euros a explosé pour atteindre plus de 13 milliards d’euros, ce qui en fait l’un des projets les plus coûteux de l’histoire du nucléaire en France. Cette augmentation des coûts a aussi un impact sur le marché de l’électricité. Si l’EPR fonctionne comme prévu, il pourrait fournir une grande quantité d’électricité décarbonée, contribuant à stabiliser les prix de l’énergie en France. Cependant, les retards et les coûts supplémentaires pourraient indirectement influencer les tarifs.

Projets d’EPR à venir

Le modèle EPR de Flamanville n’est pas unique. Plusieurs autres projets d’EPR sont en cours de développement, notamment à Hinkley Point en Angleterre. La France envisage également la construction de six nouveaux EPR pour renforcer son parc nucléaire d’ici 2050, en réponse aux objectifs de décarbonation de l’énergie.