Après deux ans de situation tendue avec près de la moitié des réacteurs à l’arrêt, le parc nucléaire français a repris une production stable depuis fin 2023. Source d’énergie majoritaire en France, avec 70% du mix énergétique, la filière du nucléaire doit aujourd’hui répondre à un défi de taille :
- Répondre à la majorité de la demande d’électricité ;
- Assurer une continuité d’approvisionnement ;
- Régler les problèmes de corrosion et de maintenance du parc.
Ces problèmes ont mis en péril la filière de production d’électricité pendant l’hiver 2022-2023, car les niveaux de demandes avaient dépasser les capacités de production de la France. Une telle situation a entrainer une hausse à court et moyen terme du prix de l’énergie. En 2024, le parc nucléaire français est de nouveau à son plus haut niveau de production, malgré des maintenances de réacteurs qui se poursuivent.
À savoir que la France possède 18 centrales nucléaires et 56 réacteurs à REP (eau sous pression) comme l’explique Selectra dans son article sur le nucléaire en France en 2024. Un réacteur à REP (Réacteur à Eau Pressurisée) est un type de réacteur nucléaire où de l’eau sous haute pression est utilisée à la fois comme modérateur pour ralentir les neutrons et comme caloporteur pour transférer la chaleur générée par la fission à un générateur de vapeur.
Combien de réacteurs nucléaires sont en fonctionnement en France en 2024 ?
A la fin du premier trimestre 2024, 39 réacteurs nucléaires était opérationnels à 100%, 3 autres sont partiellement disponibles et 14 sont entièrement arrêtés. Pour ces dernier, il s’agit d’un arrêt de maintenance déjà prévue par le planning de révision de la centrale. La production nucléaire est bien reparti en 2023 et se poursuit en 2024 avec la fin des maintenances pour les problématiques de corrosion.
EDF prévoit une production nucléaire en France en 2024 se situant dans le haut de la fourchette de son objectif annuel de 315 à 345 TWh. Cette prévision optimiste s’appuie sur une meilleure disponibilité des réacteurs, après plusieurs années marquées par des arrêts imprévus et des interventions liées à la sûreté.
Parallèlement, la production électrique française, après avoir traversé deux années de crise, a atteint au premier semestre son niveau le plus élevé depuis 2019, selon le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, RTE. En effet, à la mi-année, la production s’élève à 272 TWh, soutenue par une activité hydraulique « exceptionnellement élevée ». Ce bilan, publié mardi, montre que la production électrique continue de se redresser après les crises de 2020 et 2022.
Quelle est la situation du parc nucléaire en France ?
Comment fonctionne une centrale nucléaire ?
Les centrales nucléaires actuelles se basent sur la fission nucléaire pour créer de la vapeur à haute pression. Cette force permet par la suite de faire tourner une turbine et de créer de l’électricité. Pour contrôler la réaction et contrôler la production de chaleur, les centrales nucléaires doivent être placées à proximité de cours d’eau.
La vapeur créée par la fission dans le coeur du réacteur du combustible nucléaire est contenue dans un circuit fermé, le circuit secondaire. Cette vapeur permet de faire tourner une turbine, reliée à un alternateur. Cet alternateur, une fois en mouvement, permet de créer de l’électricité. Cette électricité est ensuite acheminée par le réseau de transport vers les zones de consommation.
La vapeur, une fois passée par la turbine, doit ensuite être refroidie, pour pouvoir produire à nouveau de la vapeur, au contact de la chaleur du circuit primaire. Pour permettre le refroidissement, le circuit de refroidissement achemine l’eau chaude issue du condenseur vers l’aéroréfrigérant. Cette installation utilise l’air ambiant et le vent pour refroidir l’eau. La chaleur dégagée par la réaction est extraite de l’eau, vers l’air ambiant, et se disperse sous forme de vapeur dans l’atmosphère.
Ce refroidissement est permis par le circuit de refroidissement, qui tire du fleuve, une eau suffisamment froide pour transformer la vapeur en eau liquide. L’ensemble de ces éléments permettent une réaction en chaîne stable. D’autres méthodes de production d’électricité à partir d’énergie nucléaire existent :
- Des centrales nucléaires sans aéroréfrigérant (tour de refroidissement) ;
- Des centrales nucléaires à base de Thorium ;
- Le projet ITER : projet de recherche sur le fonctionnement d’un réacteur à fusion nucléaire.
La France parmi les 3 plus grands producteurs d’électricité à partir d’énergie nucléaire
En France, on compte en 2024 près de 56 réacteurs nucléaires. Parmi ces réacteurs, on dénombre 3 familles de réacteurs différents, dotées de puissances variées.
Type de réacteurs nucléaires | Nombre de réacteurs de cette famille en France |
900 MWe | 32 |
1300 MWe | 20 |
1450 MWe | 4 |
1650 MWe | 1* |
*réacteur en construction, sur la centrale de Flamanville
Les principaux pays producteurs d’électricité d’origine nucléaire
Avec ces installations, la France s’est placée troisième en 2022 au niveau mondial en termes de production d’électricité à partir de centrales nucléaires, juste derrière les Etats-Unis et la Chine.
Rang | Pays | Production 2022 en TWh |
1 | Etats-Unis | 772,2 |
2 | Chine | 395,4 |
3 | France | 282,1 |
4 | Russie | 209,5 |
5 | Corée du Sud | 167,5 |
6 | Canada | 81,7 |
7 | Espagne | 56 |
8 | Japon | 51,9 |
9 | Suède | 50 |
10 | Royaume-Uni | 43,5 |
Ce niveau de production place l’énergie nucléaire en première place dans le mix énergétique français, devant l’énergie hydraulique, les énergies renouvelables (ENR), l’énergie thermique (gaz, charbon…).
Cette méthode de production d’électricité permet :
- de produire un niveau conséquent d’énergie ;
- de contrôler les niveaux de production, à l’inverse des énergies renouvelables ;
- d’être neutre en rejets de CO2, dans le cadre de la protection de l’environnement.
Un parc nucléaire vieillissant, originaire des années 1980
La majorité des réacteurs en fonction actuellement en France est issue du plan de développement intensif du parc nucléaire dans les années 80. Ces réacteurs arrivent ainsi aujourd’hui au terme de leur durée d’exploitation maximale, établie initialement à 40 ans.
Entre 1976 et 1985, 37 réacteurs ont été mis en service. Ils arrivent aujourd’hui au terme de leur exploitation, représentant 66 % du parc nucléaire français. Ces réacteurs devaient être arrêtés en 2020, rejoignant les 12 déjà en cours de démantèlement.
Pour y faire face, l’État et EDF ont lancé le plan grand carénage. Ce plan vise à prolonger la durée de vie des réacteurs afin d’assurer une sécurité d’exploitation suffisante.
Grâce à ces travaux de maintenance, l’ASN et l’État ont décidé en 2021 d’étendre la durée d’exploitation des centrales de 10 ans, atteignant ainsi 50 ans.
Le parc nucléaire français : une problématique de sûreté d’exploitation et d’acheminement à traiter
Depuis 2020, l’allongement des durées d’exploitation exige des maintenances et révisions importantes. Cela est nécessaire pour assurer le prolongement des centrales. Cependant, la crise sanitaire a fortement perturbé ce calendrier de maintenance. Par conséquent, EDF a dû replanifier ces opérations entre 2021 et 2023.
Ce nouveau calendrier a mis en évidence des problèmes de corrosion sur les réacteurs les plus récents.
Un problème de corrosion sur les systèmes de sécurité de refroidissement des réacteurs
Les visites de contrôle de l’ASN et les diverses maintenances préventives ont mis en évidence des problèmes de corrosion sur des systèmes de sécurité sur le refroidissement du réacteur. Plus précisément, la corrosion a touché les soudures, sur les coudes des tuyauteries d’injection de sécurité. A long terme, cela entraîne des fissures, préjudiciables dans le bon fonctionnement des installations. Reliés directement au circuit primaire du réacteur et constamment sous contrainte, les coudes concernés ne peuvent pas être remplacés lors du fonctionnement de la centrale.
Source : EDF
Cette tuyauterie permet, en cas d’accident, de refroidir dans de bonnes conditions le combustible, et donc de ralentir la fission nucléaire. Ce problème concerne actuellement les familles les plus récentes du parc nucléaire. Au total, près de 12 réacteurs nucléaires sont mis à l’arrêt à cause de cette corrosion. La famille des 900 MW est en cours de contrôle pour vérifier le bon état des installations. A l’heure actuelle, l’ASN n’a pas détecté ce phénomène sur cette famille.
Des défauts significatifs découverts par EDF
Des analyses approfondies sur la corrosion ont révélé une fissure de 23 mm sur le réacteur 1 de la centrale de Penly. L’ASN a précisé que cette fissure, longue de 155 mm, affecte un quart de la circonférence de la tuyauterie, dont l’épaisseur est de 27 mm. La fissure met en cause la résistance de la tuyauterie. Des risques de fuite étaient présents.
Après cette découverte, l’ASN a demandé à EDF de réévaluer les fissures sur d’autres réacteurs. Quelques jours plus tard, des fissures ont été trouvées à Penly 2 et Cattenom 3. À Penly 2, la fissure mesure 57 mm de long et 12 mm de profondeur. Celle de Cattenom 3 est de 165 mm de long et 4 mm de profondeur. Ces défauts remettent en cause la performance des tuyauteries et la sécurité des centrales.
Ces découvertes ont porté un coup dur à EDF, augmentant l’incertitude sur la capacité de production du parc nucléaire. En conséquence, le prix de l’électricité a grimpé de 38 % en quatre jours, atteignant 205 €/MWh pour l’année 2024.
La mise en service de la centrale de Flamanville finaliser en 2024
Depuis 2007, le troisième réacteur de la centrale nucléaire de Flamanville, de type EPR, est en cours de construction. Initialement, sa mise en service était programmée en 2012. Néanmoins, l’ASN a détecté lors de visites de contrôle de nombreuses anomalies dans la construction des installations, notamment sur une des cuves de la centrale. Cette nouvelle génération est à eau pressurisée, avec une puissance énergétique plus importante.
Néanmoins, le retard pris par EDF dans la construction de cet EPR a entraîné un surcoût total estimé à plus de 10 milliards d’euros, selon la cour des comptes. Au total, le coût estimé pour la construction de cet EPR est estimé à 13,2 milliards d’euros.
Lancement historique du réacteur EPR de Flamanville
Après 17 ans de chantier et 12 ans de retard, EDF a franchi une étape clé en mai 2024 avec le chargement du combustible pour le nouveau réacteur EPR de Flamanville. Il s’agit du 57e réacteur en France et du premier depuis 22 ans. Avec une capacité de 1 600 MW, il pourra alimenter près de trois millions de foyers. Ce réacteur, le plus puissant de France, est le quatrième de ce type dans le monde.
Étapes clés et autorisations
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné son feu vert le 7 mai. Cela a permis de commencer le chargement du combustible, une opération complexe impliquant 60 000 crayons d’uranium. Cette étape s’est achevée le 15 mai. Le processus de mise en service inclura des essais sous surveillance. Des étapes clés, comme la première réaction de fission, sont prévues pour fin juin. Le couplage au réseau électrique devrait avoir lieu durant l’été.
Perspectives et défis
EDF prévoit que le réacteur atteindra 100 % de sa puissance d’ici fin 2024. Une maintenance est programmée pour 2025, suivie du remplacement du couvercle en 2026. Malgré les déboires et un coût quadruplé à 13,2 milliards d’euros, EDF garantit un haut niveau de qualité et de sûreté. Toutefois, des associations écologistes restent sceptiques quant à la fiabilité de l’EPR.
Une nette amélioration de la disponibilité nucléaire pour l’hiver 2023-2024
RTE prévoyait une hausse de 5 GW de puissance disponible par rapport à l’hiver 2022-2023. Cette augmentation était due au retour progressif de plusieurs réacteurs nucléaires après leur maintenance et la correction des problèmes de corrosion. En décembre 2023, la puissance nucléaire en France atteignait entre 40 et 45 GW. En janvier, elle se situait entre 45 et 50 GW, au cœur de l’hiver. La demande énergétique a diminué de 8 % par rapport à la période pré-crise. Cette baisse a contribué à la chute des prix de l’électricité, atteignant 104,93 €/MWh à la mi-octobre 2023, un niveau inédit depuis janvier 2022. RTE n’identifiait aucun risque de coupure. Cela rassura les marchés sur la sécurité d’approvisionnement pour l’hiver et l’année 2024.
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