Les évolutions récentes sur la situation géopolitique européenne et les problèmes de maintenance et de corrosion des centrales nucléaires continuent d’animer les prix du marché. La tendance du marché de mai sur les prix de l’électricité et du gaz naturel s’inscrivent dans la continuité des mois précédents.
Quel est le contexte actuel ?
EDF, Engie et TotalEnergie demandent aux français de limiter leurs consommations énergétiques
Dans une récente tribune, les dirigeants des 3 principales entreprises énergétiques françaises demandent aux consommateurs de limiter leurs dépenses énergétiques. Cette réduction de la consommation doit à la fois :
- Préserver le pouvoir d’achat des ménages ;
- Réduire les risques de pénurie énergétique ;
- Faciliter la préparation hivernale des stocks de gaz naturel ;
- Contribuer à la préservation de l’environnement.
Cet appel fait écho à la situation actuellement très tendue dans l’approvisionnement énergétique des pays européens. Les livraisons en GNL ne compensent pas suffisamment, au niveau européen, les volumes russes. Ainsi, de nombreux pays européens demandent aux ménages de limiter l’usage du pétrole, du gaz et de l’électricité. Cela est à la fois valable :
- pour cet été, car les fortes chaleurs pourraient réduire l’activité des centrales nucléaires ;
- pour cet hiver, afin de préparer au mieux les stocks hivernaux de gaz naturel et pouvoir aider nos voisins européens (Allemagne)
La France pourrait se passer du gaz russe plus vite dès l’an prochain
Avec des stocks en gaz naturel meilleurs que ses voisins européens, et un nouveau terminal méthanier flottant bientôt opérationnel, la France pourrait se passer du gaz russe d’ici l’année prochaine. Agnès Pannier-Runacher a indiqué qu’avec les livraisons prévues, et le niveau de stockage actuel, la France est en bonne position pour faire abstraction des volumes russes. Pour assurer un hiver paisible sur le gaz, la France s’est fixée comme objectif d’atteindre 100% du niveau de stockage d’ici l’automne prochain. Actuellement, le niveau de stockage vient de dépasser les 60%.
Pour se faire, le gouvernement a demandé aux opérateurs de stockage d’acheter des volumes de gaz naturel, en complément des volumes déjà acquis par les fournisseurs. Ces volumes vont permettre à la fois de répondre à la demande intérieure française, mais aussi européenne.
En effet, plusieurs pays dépendant des volumes de gaz russe, dont l’Allemagne, sont en plus grande difficulté concernant l’approvisionnement. Ces pays vont faire face à une pénurie énergétique à moyen terme.
Pénurie de gaz naturel possible en Allemagne d’ici cet hiver
Suite à un incident technique sur le Nord Stream 1, les livraisons de gaz russe en Allemagne ont chuté de 60% en quelques jours. Le gouvernement allemand craint un arrêt total des livraisons par la Russie d’ici la fin de l’année. Si cela se produit, l’Allemagne connaîtrait une pénurie gazière historique durant l’hiver. Les spécialistes estiment que cette pénurie pourrait débuter à partir de la mi-décembre, et durer plusieurs semaines. Le pays est dans cette situation à cause d’une dépendance encore trop importante aux volumes russe (35% de sa consommation intérieure).
Malgré l’aide possible de la France, le gouvernement allemand craint un rationnement des volumes, et un choix à faire entre la consommation des ménages et celle des entreprises. Dans ce type de cas, la réglementation européenne donne la priorité d’accès à l’énergie aux ménages. Cette situation mettrait ainsi en péril l’activité industrielle du pays, avec des fermetures possibles dans plusieurs régions.
Pour limiter les impacts trop importants sur l’économie, l’Allemagne et l’Autriche ont décidé de recourir à des centrales à charbon de réserves et désaffectées. Combiné avec une réduction de la consommation des ménages, cette mesure doit limiter dans le temps cette pénurie.
Révision annuelle des tarifs d’acheminement de l’électricité
La Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) a revu, comme chaque année, les tarifs d’acheminement de l’électricité. A partir du 1er août 2022, le tarif d’utilisation du réseau de distribution d’électricité (TURPE – HTA-BT) augmente de 2,26%. Cette augmentation du tarif, qui rémunère en partie les activités d’Enedis, comprend l’inflation à venir au cours de l’année 2022, et début 2023. Par contre, le tarif d’utilisation du réseau de transport, rémunérant les activités de RTE, connaît une légère baisse de 0,1%. Cela est causé par une régulation des charges et des profits.
Cette hausse sera néanmoins indolore pour les particuliers et autres petits consommateurs professionnels d’énergie, car ils sont concernés par le bouclier tarifaire en vigueur. Pour rappel, ce bouclier consiste à maintenir la hausse des tarifs d’électricité à 4% pour l’année 2022.
Les énergies renouvelables poursuivent leur progression dans la consommation finale brute d’énergie en 2021
L’an dernier, les énergies renouvelables ont augmenté de 9,3% en valeur absolue, en grande partie grâce à l’éolien, les pompes à chaleur et les biocarburants. Malgré cette bonne nouvelle, la vitesse de développement des énergies renouvelables reste en deçà des objectifs fixés. En 2019, les ENR devaient déjà atteindre les 23% de la consommation finale brute d’énergie de la France. Ce retard illustre les difficultés du pays à mettre en œuvre les volontés politiques en matière d’énergies et de protection de l’environnement. Cela est d’autant plus vrai que la France doit atteindre 33% d’ENR dans sa consommation d’énergie finale d’ici 2030. Cette atteinte de l’objectif est essentielle pour respecter la loi énergie climat.
Dans le même temps, l’Espagne devient le pays le plus attractif au niveau mondial en termes de production d’hydrogène vert. De nombreux projets et investissements massifs voient actuellement le jour. Au total, en 2021, 20% des projets annoncés autour de l’hydrogène dans le monde ont été réalisés dans le pays. Cela place l’Espagne au deuxième rang des pays les plus dynamiques sur la question, derrière les Etats-Unis. Pour poursuivre cette dynamique et accélérer le développement de la filière, près de 8,9 milliards d’euros vont être investis d’ici 2030.
L’un des projets phares du pays est le développement d’un site de production nommé HyDeal España. D’ici 2030, ce site sera en mesure de produire 330 000 tonnes d’hydrogène, à partir de l’électricité verte, issue de 15 parcs solaires.
L’Europe et les Etats-Unis travaillent pour un plafonnement des prix du pétrole russe
Pour limiter la hausse à long terme des prix du pétrole russe, le gouvernement français et américain ont émis plusieurs propositions, en marge du G7 en Allemagne. La France souhaite la fixation d’un prix maximum, à l’encontre des pays producteurs, pour limiter l’inflation à moyen terme. Pour les Etats-unis, la proposition est de fixer un prix maximal pour les pays consommateurs.
Des discussions plus approfondies lors du G7 devraient aboutir à une action coordonnée d’envergure pour limiter les effets sur le pouvoir d’achat des pays occidentaux. En effet, sur les deux derniers mois, le prix du pétrole a connu une hausse de plus de 12,5%, pour atteindre 114$ le baril.
Quel est l’impact sur les prix de l’énergie ?
Le point sur le marché de l’électricité
Les prix de l’électricité connaissent une tendance diverse, entre une hausse importante sur le prix spot et court terme, et une tendance stable à moyen et long terme. Pour l’année de livraison 2023, le prix de l’électricité a augmenté de 19% en juin, pour atteindre les 365€/MWh, un record !
Pour les années 2024 et 2025, le prix de l’électricité connaît une tendance plus stable, autour de 200€/MWh pour 2024, et 180€/MWh en 2025. Cette situation est causée par la faible disponibilité du nucléaire, et les tensions sur la livraison de gaz naturel et de charbon.
Le point sur le marché du gaz naturel
Le prix du gaz naturel connaît une nette tendance haussière sur le mois de juin, surtout pour l’année 2023. Le prix a augmenté de 37% sur le mois, pour atteindre les 100€/MWh. Cette hausse très nette sur le mois est liée à la crainte d’une coupure prématurée et totale des livraisons de gaz russe. De plus, la Norvège fait une maintenance sur son exploitation gazière, limitant par la même occasion la disponibilité gazière. Enfin, les volumes de GNL livrés en Europe sont réduits, causées par une concurrence accrue en Asie.
Concernant les périodes plus lointaines (2024, 2025), les craintes sont moins fortes, car l’Europe travaille pour trouver des alternatives aux volumes russes. Cela explique une tendance stable, voire légèrement baissière.
Le point sur le marché du charbon
Le marché du charbon reste assez stable depuis plusieurs semaines, avec une tendance légèrement haussière sur les derniers jours (+13%). Cette tendance est liée à la fois :
- aux annonces de l’Allemagne et l’Autriche de recourir au charbon pour passer l’hiver prochain ;
- à la forte demande en Chine et au Japon ;
- aux récentes vagues de chaleur en Inde ;
- aux difficultés d’extraction en Australie.
Le point sur le marché de carbone
Le marché du carbone connaît depuis quelques jours une reprise légère. Cette reprise est portée par les perspectives haussières de la demande en charbon. Le prix de la tonne de carbone atteint ainsi les 90$. Néanmoins, sur les prochaines semaines, le prix devrait rester en attente des négociations sur les nouvelles mesures du “Fit-for-55”.