En cette fin de période estivale, le marché de l’énergie est entré dans un nouveau paradigme, avec des prix de l’énergie dépassant toutes les prévisions envisagées. L’énergie en Europe entre dans une période historique et extrêmement tendue en termes de prix proposés.
Quel est le contexte actuel ?
La Russie interrompt momentanément sa livraison en gaz naturel en Europe
La Russie va arrêter momentanément sa livraison en gaz naturel en Europe entre le 31 août et le 2 septembre. Cette coupure est justifiée par des problèmes techniques repérés sur le Nord Stream 1, qui impacterait la qualité de livraison et la sécurité du personnel. Conséquence directe, les prix du gaz naturel en Europe ont immédiatement bondi, pour atteindre des niveaux extrêmement élevés. Cette maintenance est perçue par l’Europe comme un prétexte pour mettre la pression sur les décisions politiques européennes, vis-à-vis de la guerre en Ukraine.
Des spéculations européennes mettent en évidence une crainte très forte à l’aube de l’hiver 2022-2023. Les acteurs du marché de l’énergie en Europe estiment que la Russie pourrait jouer le tout pour le tout, en réduisant les volumes de gaz naturel livrés lors des périodes les plus froides de l’hiver. Cela se base sur la compréhension de la part de la Russie de son pouvoir d’influence sur l’état du marché énergétique européen.
La centrale de Zaporijia pourrait connaître une catastrophe d’envergure, si les bombardements dans la région se poursuivent
La plus grande centrale nucléaire d’Europe est en péril, à cause de bombardements systématiques dans la zone depuis plusieurs jours. La situation sur place se tend de jour en jour, et le personnel sur place redoute des dommages qui pourraient entraîner une catastrophe nucléaire d’envergure. La Russie et l’Ukraine s’accusent mutuellement, pour éviter de supporter la responsabilité d’une telle catastrophe.
Pour éviter d’arriver à ce point de non retour, la Russie a accepté la visite d’experts de l’AIEA, l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique, pour évaluer la situation sur place. L’objectif est clair : éviter un incident nucléaire d’ampleur, par le rétablissement d’une sécurité d’exploitation satisfaisante. La Russie déclare se tenir à disposition pour fournir toute assistance nécessaire aux experts de l’AIEA.
Une sécheresse historique qui limite la production hydraulique
L’été 2022 a été le deuxième plus chaud dans l’histoire de la France, derrière celui de 2003. Par exemple, le mois de juillet 2022 a été historiquement sec. Seuls 9,7 millimètres de pluie sont tombés au cours du mois. C’est 10 fois moins que l’année précédente. Cette absence de pluie a impacté dans de grandes proportions la production d’électricité en France et en Europe. L’énergie hydraulique a contribué autour des 9% en moyenne dans le mix énergétique. En temps normal, l’énergie hydraulique contribue à hauteur de 13%.
Dans le même temps, les fortes températures des dernières semaines ont occasionné une réduction de la production de certaines centrales nucléaires. En effet, les fortes températures ont causé une hausse de la température de l’eau. Or, à partir d’une certaine température de l’eau, les centrales nucléaires doivent arrêter leur production, afin de préserver la faune et flore.
Ces deux facteurs, cumulés avec les difficultés d’approvisionnement en gaz, provoquent une hausse de prix historique en France et en Europe, car dans le même temps, le niveau de demande d’électricité reste constant.
Des coupures d’électricité en Angleterre cet hiver ?
Le Royaume-Uni se prépare à des coupures possibles d’électricité durant l’hiver prochain, à cause d’un manque important de l’offre électrique. Pour preuve, le prix de l’électricité en Angleterre pourrait augmenter de 82% en octobre prochain. Cette hausse des prix est causée par la réduction importante de la disponibilité en gaz naturel en Europe.
Déjà l’année dernière, le Royaume-Uni était en difficulté face à la première flambée des prix de l’énergie. Le gaz comptait pour 37% de son mix énergétique, soit sa deuxième source d’énergie derrière les énergies renouvelables (42%). Or, ces deux sources énergétiques sont en berne cette année. Le gaz se raréfie globalement en Europe. Les faibles précipitations de l’été ont réduit la capacité du Royaume-Uni à produire de l’électricité avec ses installations hydrauliques. Cette situation est source de tensions dans le pays, avec plusieurs mouvements de protestation et de grève en prévision.
L’embargo sur le charbon russe entre en vigueur
Jusqu’à l’an dernier, l’Union Européenne importait jusqu’à 45% de son charbon en provenance de Russie. L’embargo mis en place dans le cadre de la guerre en Ukraine vient ajouter une pression supplémentaire sur la production énergétique européenne. En effet, de nombreux pays se tournent vers le charbon pour compenser les difficultés de production électrique et les difficultés d’approvisionnement en gaz. L’Allemagne, la Pologne ou de nombreux pays de l’Europe centrale et de l’Est étaient très dépendants de ces importations en charbon russe. Cet embargo est un facteur supplémentaire qui va encourager la hausse des prix sur les prochains mois.
Point sur le marché de l’électricité
Sur le mois d’août, le prix de l’électricité est entré dans un nouveau paradigme, pour atteindre 1130 euros/MWh pour l’année 2023. En seulement 1 mois, le prix de l’électricité a progressé de 126%. Ce niveau de prix extrêmement haut est historique. L’électricité n’a jamais connu un tel niveau de prix. Cette hausse de prix est la conséquence d’une réduction de la production d’électricité causée par :
- une production hydraulique en berne ;
- les problèmes de corrosion sur les centrales nucléaires ;
- l’importation limitée en gaz naturel ;
- un niveau de demande constant ;
- une spéculation importante sur l’avenir du marché.
Pour l’année de livraison 2024 et 2025, la tendance est identique, avec respectivement une augmentation de 98% pour 2024, et de 80% pour 2025. Les prochaines semaines devraient s’inscrire dans la continuité, avec des hausses possibles dans de fortes proportions, causées par des nouvelles réductions de l’offre.
Point sur le marché du gaz naturel
Comme l’électricité, le marché du gaz naturel a connu ces dernières semaines une forte hausse des prix, sur l’ensemble des années de livraison. Le prix du gaz naturel pour l’année 2023 a progressé de 102%, pour atteindre 297,75€/MWh. Cela s’explique par la menace d’un arrêt total des livraisons russes. Cette menace a également influencé le prix pour 2024 pour atteindre 198,75€/MWh. Cela représente une progression de 128% sur le mois. Pour l’année 2025, le prix du gaz naturel a progressé de 132%, pour atteindre 126,9€/MWh. La fin de l’année devrait être encore très tendue, avec des prix du gaz qui devraient poursuivre leur hausse.
Point sur le marché du carbone
Le prix du carbone a progressé de 19% sur le mois d’août, pour atteindre 90€/la tonne de CO2 émise. Cette progression suit les tensions actuelles sur la production électrique en Europe. L’exemple type est les difficultés de l’énergie hydraulique à produire de l’électricité dans des volumes conséquents. Cela force les pays européens à recourir aux énergies fossiles pour compenser les faibles niveaux de production du nucléaire et des EnR.
Point sur le marché du charbon
La tonne de charbon s’inscrit dans le contexte actuel très tendu. Le prix a augmenté de 16% depuis juin dernier, pour atteindre 364,85€/la tonne. Avec l’embargo sur le charbon russe, le prix du charbon devrait s’inscrire là encore dans une tendance haussière sur les prochaines semaines.